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’ici, ils avaient l’air infimes. Ces personnes qui se baladaient dans la gare, sans réellement prendre attention les uns aux autres. Aloïs, perché en hauteur, les pieds dans le vide et le regard vagabondant, s’amusait à deviner à leur allure de quelle sorte de monde ils étaient issus. Cette femme là-bas, avec son large sourire et son allure enjouée, elle devait venir d’un monde paisible ! Peut-être quelque part où on faisait à manger ! Non pas qu’elle présente des rondeurs mais ses joues rosies et son teint sain trahissaient une bonne nutrition. Et puis cet homme là-bas, avec son air lugubre, un brin paumé. Il devait sortir d’un jeu sombre, quelque chose de bien glauque où le moindre petit bruit vous fait mouiller vos dessous. Alois replia une jambe contre le torse et continua son petit jeu.

Si ça avait été l’inverse, si c’était aux passants de le juger, lui, ils auraient pu dresser un portrait simple de l’homme ! Mature, posé mais enjoué, vivant malgré cette lueur de mélancolie dans le regard. Spontané, généreux et un peu loufoque. Alois était à peu près un grand mélange de tout ça, avec une bonne couche de solitude cachée quelque part tout au fond de lui. Fermement attaché, il se laissa glisser de la poutre où il s’était installé et descendit peu à peu. Quelques regards avides le fixèrent, surpris de voir un pompier descendre du ciel. Alois toucha terre, se détacha et commença à ranger ses outils. Regard baissé, il n’entendit que de très loin une voix familière. Aussitôt, il se redressa et tourna les yeux.

Elle était là-bas, occupée à vivre une vie dont Alois rêvait. Emmy était libre ! Comme l’air, comme le vent, comme l’univers tout entier. Le jour, elle pouvait continuer à se balader dans la gare ou à explorer des endroits ! La nuit, elle retrouvait ses amis et ses connaissances. Elle ne devait plus jamais retourner dans son jeu ! C’était même bien mieux que ça, en réalité : elle ne pouvait plus y retourner. Quand bien même on aurait tenté de l’y amener de force, son univers n’était plus. Emmy pouvait donc voguer à ses occupations toute la sainte journée et plus personne ne devait la cloîtrer dans un monde sans son accord. Quelle chanceuse ! Alois lui adressa un large signe de la main accompagné d’un sourire, s’emparant de sa boîte à outils, il se dirigea vers elle.

- Salut Emmy ! ça me fait plaisir de te croiser !

La jeune femme menait la grande vie, selon Alois. Et il ne pouvait s’empêcher de l’envier, de rêver qu’un jour, lui aussi pourrait expérimenter ce genre d’existence. Son propre jeu le dégoûtait, avec tous ces vices incrustés dans le background des personnages et cette immense, atroce et pesante solitude. Des laps de temps insoutenables à courir dans le brouillard, sans apercevoir le moindre visage ! Et puis, au moment où enfin une voix retentit, c’est celle d’un bandit. Non, le jeu d’Alois n’avait rien de beau, rien d’enthousiasmant selon lui. La vie d’Emmy, faite de voyages, de découvertes et de temps libre, valait mille fois mieux.

- Alors, quel a été le programme aujourd’hui ? Tu t’es bien amusée ?

Il s’intéressait réellement à tout ça ! En quelque sorte, il vivait son rêve au travers de la jeune femme ...

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